JONES Jeffrey Catherine

Partager :

Liens :
Jeffrey Durwood Jones est né le 10 janvier 1944 et a grandi à Atlanta, en Géorgie. Son père, militaire, est engagé à l’étranger dans le conflit de la seconde guerre mondiale et il ne le rencontre qu’à l’âge de 3 ans, lorsqu’il revient couvert de médailles. Il traverse donc ses premières années uniquement entouré de femmes, sa mère, sa grand-mère, son arrière grand-mère mourante et sa grande, grande tante, la matriarche. Il vit dans dans la grande maison de son grand-père, resplendissante de cours recouvertes de tapis de lierre, de troènes plus grands que lui et de courts de tennis en terre battue, secs et poudreux, s'étendant tranquillement derrière des jardins de la nature Victorienne, au milieu des bâtiments anciens, des arbres centenaires, sous le parfum quotidien des magnolias et d'un enchevêtrement de houx géants.
En 1951 à six ans, Jeff jette un coup d'œil sur un présentoir de comics dans une pharmacie et découvre le comic TOR 3D de Kubert. Il n’a aucune idée de qui est Kubert à l'époque, mais il sait soudain qu’il veut dessiner et créer des héros. Les années passent, il grandit plutôt solitaire, aime le dessin qu’il associe souvent au texte, s'inscrit à un cours de l'histoire de l'art et voit ce que les peintres ont fait de leurs visions, ceux dont il admire les œuvres, Johannes Vermeer, Giovanni Battista Tiepolo et Rembrandt. C’est certain, il va peindre. Mais il aime également la physique qu’il expérimente en bricolant et la géologie.
C’est cette voie qu’il doit prendre et il s’inscrit à l’université d’état de Georgie où il suit des études de physique et de géologie. Il y rencontre Mary Louise Alexander qui y étudie l’anglais et l’art, matière qu’il choisit en milieu de parcours. Il l’épouse en 1966 et sort diplômé en géologie du Georgia State College en 1967.
Jeff n’a pas abandonné sa passion et s’il dessine des comics pour des fanzines depuis 1964, il fait son premier travail de dessinateur professionnel pour Witzend en 1966. Il bascule alors dans "l’underground", la contre-culture et dessine pour Last Gasp comics, SCREW Magazine ou encore The East Village Other.
Tout au long de l’année 1966, il avait correspondu avec Larry Ivie, le Maître de de la culture du comic new-yorkais, et ses études terminées, celui-ci lui demande de venir s’installer à New York pour y travailler. Avec le soutien de Mary louise, il quitte Atlanta en ce début 1967, pour s’installer dans un petit appartement sordide de New York. Prêt à faire n’importe quoi juqu’à ce qu’il puisse vendre son art, il se rend chez Ace Books la maison d'édition spécialisée dans la science-fiction et la fantasy fondée en 1952 par Aaron A. Wyn et obtient immédiatement un emploi pour sa femme et lui. La réalisation de couvertures de livres pour Ace Books lui permet de rencontrer Roy Krenkel, qui devient un ami très proche et de cotoyer des artistes comme Grey Morrow et Frank Frazetta.
Jeff va se battre pendant tout ce temps avec les éditeurs de New York, qui ne considèrent pas les comics comme du "vrai art". Pour lui, la combinaison de mots et d'images est un territoire littéral, largement inexploré et la seule autre combinaison de mots et d'images à l'époque est l'illustration, qu’il croit immorale, même si il est illustrateur à temps partiel.
Son épouse, Weezie, donne naissance à leur fille, Julianna, le 14 juillet 1967.
S’il peint sur commande, dans un premier temps pour faire nourrir sa famille, il le fait ensuite par plaisir en réalisant plus de 150 couvertures de livres, principalement pour des romans de Science-Fiction et d’heroic fantasy, ainsi que des dizaines d’illustrations intérieures pour les magazines. Le succès commercial tout récent des couvertures de Frazetta pour les Tarzan d’ E.R. Burroughs et les Conan de R.E. Howard a fait que les directeurs artistiques sont constamment à la recherche d’artistes qui pourraient peindre dans un style "Frazetta-esque". Comme Jeffrey est à l’époque fortement influencé par le travail de Frazetta, il ne lui est pas difficile de créer des peintures de science-fiction et de fantasy qui font écho au style et aux personnages de Frazetta, ce qui va l’aider à se faire un nom, même si dans un premier temps il aura la réputation de n’être qu’un clone du Maître de la fantasy.
En réalité, les couvertures de livre de poche qui vont suivre, démontrent que Jeffrey est étonnamment polyvalent, peignant dans des genres aussi divers que le romantisme, l’humour, la fiction grand public, l’horreur et même les westerns. Frazetta finira par reconnaître les dons artistiques et l’évolution du style de Jeffrey Jones allant à le considérer comme "le plus grand peintre vivant".
Retiré depuis juillet 1971 dans une petite maison aux environs de Woodstock, il dessine des pages pour différents magazines ainsi que des couvertures pour DC et Warren, parfois en collaboration avec Bernie Wrightson. En 1975 il emménage dans un immense loft situé dans le quartier de Chelsea (New York City) en compagnie de Bernie Wrightson, Barry Windsor-Smith et Mike Kaluta. Regroupés sous le nom collectif de The Studio, ils peignent des gigantesques toiles dont ils commercialisent les reproductions sous forme de superbes posters numérotés et signés. L’aventure du Studio dure jusqu’en 1979, date où le collectif se sépare. Elle a été été immortalisée dans un superbe album, The Studio (Dragon ‘s Dream, 1979). Si Jeffrey publie encore quelques pages de comics, il se tourne pour l’essentiel vers l’illustration et la peinture.
Aussi loin que ses souvenirs remontent, Jeffrey a toujours su qu’il voulait être une fille. Il s’est toujours identifié aux femmes, ses meilleurs amis ont toujours été des filles ou des femmes et il a toujours été exclusivement physiquement attiré par les femmes. Dans le Sud des années 50, il n’y avait ni gays, ni lesbiennes et certainement personne comme lui. Alors il n’a rien dit, rien montré, il s’est senti honteux, coupable et sans valeur, s’engageant pour de nombreuses années sur une route difficile.
En proie à une crise personnelle qui se manifeste par un usage immodéré d’alcool et de drogues, après de nombreuses années de thérapie et de nombreuses années à essayer de dissiper la honte, soutenue par son ex-femme dont il est divorcé depuis 1972 et par sa fille Julianna, il se décide à changer de sexe en 1998, à l'aide d'une chirurgie de réattribution sexuelle accompagnée d'un traitement hormonal et se fait désormais appeler Jeffrey Catherine Jones.
Cette transition ne lui apporte pas la paix et sa vie personnelle et professionnelle bascule. Touchée par une grave dépression au début des années 2000, Jeffrey Catherine Jones perd sa maison et son studio. Elle finit par se rétablir et recommence à dessiner et à peindre à partir de 2004 dans son nouvel atelier situé dans les montagnes Catskill.
L’artiste a été nominé(e) maintes fois au cours de sa carrière, comme par exemple pour le Hugo Award ou le Chesley Award. En 1976, c’est le prix Yellow Kid de l'Exposition internationale italienne de la bande dessinée et du dessin animé. En 1986, c’est le World Fantasy Award du meilleur artiste et enfin, plus récemment, le Spectrum 2006 Grand Master Award.
Physiquement affaiblie, Jeffrey Catherine Jones est décédée le 19 mai 2011 des suites d’une combinaison d’emphysème, de bronchite et de coronaropathie.