CHÉRET André

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André Chéret est né à Paris, rue Montorgueil, le 27 juin 1937 et sa jeunesse s'est déroulée dans le quartier populaire du 19ème, rue Alphonse Karr. Quelques années après sa naissance, c'est la guerre et, avec ses soeurs, ils sont placés dans un petit hameau de l'Allier qui regroupait cinq à six fermes. La famille n'est pas dispersée ses soeurs étant dans des fermes voisines. Il a cinq ans et ne sait ni lire ni écrire, par contre il dessine. Il dessine ce qu'il voit et les gens qui l'ont accueilli joignent ses dessins aux correspondances qu'ils envoient à ses parents. C'est sans doute là que commence la passion pour le dessin du petit André Chéret.
Rentré à Paris il va à la communale et découvre la bande dessinée à travers les illustrés de l'époque. Le célèbre hebdomadaire "Tarzan" publie parfois les fabuleux dessins de Hogarth et, dans "Fillette", hebdomadaire de ses soeurs, il lit une série qui le marque, par son punch et sa vigueur "Durga Rani, reine des jungles", que dessinait Pellos. Inconsciemment il s'est imprégné de ces deux styles mais rien dans son dessin ne laisse transparaître une affiliation avec Hogarth ou Pellos si ce n'est la spontanéité du mouvement et la souplesse du dessin.
En 1952, il commence à travailler dans une imprimerie en espérant entrer dans l'atelier de photogravure. Ce n'est pas le cas mais il arrive ensuite, tout de même, à assouvir sa passion du dessin. Il est en effet engagé par une maison spécialisée dans la publicité pour le cinéma. Il y apprend les techniques de peinture et du lavis, l'obligation de faire des portraits ressemblants et tout cela sera fort utile par la suite. Il commence alors à placer son travail dans des revues féminines qui, à l'époque, utilisaient beaucoup de dessinateurs pour illustrer les couvertures ou les romans "Bonnes Soirées", "Nous-Deux", "Intimité"...
Appelé en 1958, c'est pendant son service militaire qu'il va avoir la chance de commencer réellement sa carrière de dessinateur. Il est envoyé en Allemagne, à Baden-Baden, et se retrouve à la rédaction de "La revue des Forces Françaises". Revue qui, par la suite, changera de formule en adoptant un format plus petit et en prenant le titre de 5/5 Forces Françaises. Chéret y signe des dessins humoristiques, des illustrations et une bande dessinée (mais avec textes sous vignettes) "Nicéphore Dupont". Il s'agit de la vie d'un grenadier de l'empereur qui participe à toutes les batailles de Napoléon. C'est dans ce journal que Chéret rencontre le dessinateur Pierre Koernig et petit à petit une équipe se monte. Ils font venir Giraud qui, effectuant lui aussi son service, a posé sa candidature. Profitant de leurs permissions à Paris, le trio place quelques travaux discrètement à l'extérieur. C'est Koernig qui entraîne Chéret aux éditions Fleurus. Il lui fournit le scénario d'une histoire humoristique, en deux pages, "Paulo et la furie du rodéo" qui paraîtra dans "Fripounet" n°21 le 24.5.59.
C'est le début d'une collaboration fructueuse avec cette maison où il livrera, pour "Cœurs-Vaillants", de nombreux récits complets de 3 ou 4 planches. La plupart sur des thèmes historiques ou d'actualité, avant de se voir confier, mais bien plus tard, en 1966, une série à suivre. Il s'agit des aventures exotiques d'un pilote, "Karl", dont les scénarios sont signés par Jean-Paul Benoit. Cela dure jusqu'en 1968 où, devant le travail que réclame son autre série "Bob Mallard", et la naissance de "Rahan", il doit abandonner pour se consacrer uniquement à ce dernier.
A son retour de l'armée, outre les éditions Fleurus, il prospecte d'autres maisons d'éditions et travaille pour "L'Avant-Garde", "Femmes Françaises", fait un essai à "Marius" et "Le Hérisson", réalise quelques bandes pour la presse quotidienne "Sherlock Holmes", "Les réfugiés", "Kroutchev à Paris"... Il participe aussi à "Radar", hebdomadaire où l'illustration permet de livrer aux lecteurs avides de sensationnel des images choc qui reconstituent l'événement. Il y fait la connaissance de Di Marco, grand spécialiste du genre. Celui-ci dessine également la reprise d'une série anglaise qui avait beaucoup de succès dans "L'Intrépide" édité par Del Duca "Rock l'Invincible". Il s'agit d'un gaulois (dans la traduction française) qui lutte contre les armées de César. Lorsque Di Marco abandonne la série, en 1962, c'est Chéret qui prend la suite dans les pages de "Mireille" où ce personnage a échoué suite à la disparition de "L'Intrépide". Toujours pour "Mireille", Chéret anime les exploits d'une hôtesse de l'air "Monica" et signe quelques récits complets. En 1962, "Hurrah", autre titre de Del Duca, se transforme en "Télé-Jeunes", essai de journal axé sur les émissions télévisées pour la jeunesse. Chéret y livre quelques récits. Sa collaboration avec cette maison, les éditions Mondiales, aurait pu durer s'il n'avait un jour, dessiné innocemment, car il ne connaissait pas du tout Del Duca, un personnage qui ressemblait à ce dernier. Or dans l'histoire c'était un bandit, un pirate de l'air... et Del Duca n'apprécia pas de se voir ainsi représenté. Chéret abandonne donc cette maison sans trop de regrets car il a suffisamment de travail aux éditions Vaillant.
En 1966, il collabore, brièvement, à la SFPI (de Chapelle) avec des illustrations en couleurs pour un mensuel "Tout le Western", aux côtés de Marcello et Di Marco. Pour cet éditeur il signe aussi une bonne adaptation, au lavis, d'un feuilleton TV sur "Vidocq". Entre 1966 et 1969, il publie également une dizaine de récits complets dans le bi-mensuel "Francs-Jeux".
C'est aux éditions Vaillant qu'il fera le plus gros de sa carrière. Il s'y était déjà présenté avant son service militaire et avait proposé son travail à Roger Lécureux, alors rédacteur du journal. Celui-ci lui avait montré une planche de Poïvet et lui avait demandé de revenir lorsqu'il saurait dessiner ainsi. Il s'y représente donc en 1961 et on le teste sur quelques récits en 3 planches. "Angoisse sur la mer" paraît dans le n°836 du 21.5.1961, suivi de deux autres récits complets puis de la reprise de "Bob Mallard". "Rahan prendra la relève en 1969 et ce sera enfin le succès. Succès confirmé puisque les éditions Vaillant lancent, en 1971, un trimestriel "Rahan" reprenant les premiers récits. A cette occasion des pages de raccord entre les épisodes sont réalisées. Une nouvelle série, bimestrielle, prendra la suite en 1978 et, en 1984 débutera une "Intégrale de Rahan" qui durera jusqu'en 1987. Quelques albums sont également publiés, 1 album aux éditions Hachette (1973), 2 albums aux éditions du Kangourou (1974-75), 5 albums chez GP Rouge et Or (1980-81) et 3 albums chez Messidor-La Farandole (1986-87).
En 1973, en pleine gloire de "Rahan", Chéret a envie de se diversifier, il propose à Greg l'idée d'un personnage humoristico-réaliste "Domino", pour le journal "Tintin". Greg écrit les scénarios de cet anti-héros dont les aventures se déroulent pendant la Régence. Nouveau défi relevé, "Domino" vivra des aventures jusqu'en 1980 sous la signature, au scénario, de Van Hamme qui a pris la relève de Greg.
Entre-temps, avec Lécureux, Chéret avait préparé un projet de personnage Viking pour le journal de "Mickey", projet qui sera finalement enterré après divers essais dont une reprise, après l'abandon de Lécureux, avec le scénariste Sacha. C'est avec ce dernier que Chéret réalisera alors "Anael" pour un journal axé sur la télé "Les Visiteurs du Mercredi", en 1978. Hélas, ce journal n'aura qu'une existence éphémère et l'histoire sera interrompue. Ces planches, avec une fin inédite, seront reprises dans un album édité par "Bedésup" en 1980.
En 1979, Jean-Michel Charlier, scénariste prolifique et auteur à succès, prépare l'adaptation en BD, pour "Télé-Star", de "Michel Brazier" qui était le héros de sa série télévisée "Les diamants du président". Chéret accepte de la dessiner, mais raconter en 20 planches un feuilleton de plusieurs heures, était un pari impossible et "Télé- Star" abandonne le projet. Charlier le propose alors au journal "Spirou" qui l'accepte. Il n'y aura qu'un épisode car Charlier, comme toujours, court le monde et livre ses scénarios au compte goutte... mais peut-être que "Michel Brazier" nous reviendra un jour pour vivre de nouvelles aventures...
Entre-temps, "Rahan" est devenu la vedette de "Pif Gadget" et la demande des lecteurs de retrouver plus souvent leur personnage favori dans les pages du journal, pousse la rédaction à imposer à Chéret un rythme de plus en plus difficile à suivre. Un moment, le dessinateur italien Zamperoni dessine quelques épisodes, puis on tente de monter un atelier. Ce fut un échec, car bien qu'étant devenus de bons imitateurs, les dessinateurs ne pouvaient encrer les crayonnés peu précis de Chéret et celui-ci perdait plus de temps à pousser ses crayonnés qu'à les encrer lui-même. Il y eut également une tentative avec l'espagnol Roméro. Reprise prévue pour quelques épisodes, le temps que le studio se rode et puisse fournir à son tour. Chéret s'est même rendu en Espagne pour expliquer à Roméro sa technique de travail.
C'est à ce moment qu'éclate un différent sur la création de "Rahan" et la rédaction de "Pif Gadget" n'envoie plus, à Chéret, de textes à illustrer. Ceux-ci sont désormais confiés à Roméro. Chéret est alors obligé de chercher du travail ailleurs en attendant que la situation s'éclaircisse. Par chance les éditions Auzou lance une encyclopédie en bande dessinée et le style de Chéret fait à nouveau des merveilles, en particulier avec les albums consacrés à la préhistoire.
En 1983, Chéret adapte en BD, pour Hachette, sur scénario de Jean Ollivier, "Gavroche" et, l'année suivante, toujours pour le même éditeur, il dessine "Il était une fois Noah" sur scénario de Claude Gendrot.
Avec "Rahan" tout finit par s'arranger et, en 1984, Chéret reprend la série de ses aventures dans "Pif Gadget". Nous sommes en pleine expansion des albums, mais cette maison n'a pas de politique éditoriale en ce sens, malgré quelques essais et les auteurs de "Rahan" se décident à accepter l'offre des éditions Novedi. C'est désormais cette maison qui édite les nouvelles aventures de "Rahan". Puis, en 1992, les éditions Soleil Productions se lancent dans la réédition, en intégrale de la série. Depuis 1999, ce sont les éditions Lécureux qui continuent la saga de Rahan.
En 1975 André Chéret a reçu l'ALFRED au festival d'Angoulême pour l'ensemble de son oeuvre. En 2004, il est fait Chevalier des Arts et Lettres, distinction suprême pour un artiste.
Précisons enfin, qu’André Chéret n'est pas le fils de Jules Chéret, le célèbre affichiste, contrairement a ce qui se dit parfois, cela malgré une ressemblance frappante et malgré les dires d'André Chéret lui même.
André Chéret s’est éteint le jeudi 5 mars 2020, en région parisienne, sans souffrir, à l’âge de 82 ans.