WOODROFFE Patrick

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Patrick Woodroffe est né en Angleterre le 27 octobre 1940. Il est le deuxième fils de Béatrice Mary (née Murgatroyd) et Daniel Woodroffe, ingénieur électricien. La famille déménage plusieurs fois au cours de son enfance, avant de s'installer à Coalbrookdale, dans le Shropshire. Dans son enfance, Patrick veut être un poète et il consigne soigneusement ses vers et ses rêves dans une série de journaux intimes, travaillant conjointement avec du texte et des images. Malgré la qualité évidente de ces premiers essais, son talent n’est pas reconnu par ses professeurs. Sans se laisser décourager, il continue à dessiner, principalement des croquis botaniques accompagnés de notes abondantes. Plus tard il se lance dans l’apprentissage du français et de l’allemand et dans le cadre de cette formation, il travaille pendant un an en Alsace où il enseigne l'anglais en tant qu'assistant. Là, il découvre le travail de Matthias Grünewald. Patrick est fasciné par les peintures de l'artiste, qui l’incitent à prendre une direction similaire pour sa future carrière professionnelle. C’est une visite à Vienne qui va réellement décider de son avenir. Patrick est impressionné par le réalisme fantastique des artistes contemporains exposés dans les galeries et il développe également un vif intérêt pour le travail des surréalistes du XXème siècle. Encouragé par leur exemple, Patrick commence à produire ses premières puissantes images d'un monde fantastique.
Il obtient son diplôme de français et d’allemand en 1964 à l’Université de Leeds. Ses études terminées il épouse son amour d’enfance, Jean Pardoe et pour leur lune de miel, ils se rendent dans les Cornouailles, à Lizard où ils tombent amoureux de la région et décident de ne plus repartir. Trois semaines après le mariage, il enseigne diverses matières, y compris les classiques et l'architecture, à la Grammer School pour filles de Truro, elle travaille chez un opticien et ils ont un appartement à Falmouth ... La région dont les panoramas faits de falaises, de landes et de criques venteuses, lui serviront fréquemment de source d’inspiration, tout comme la Suisse, dont il tombera également amoureux par la suite.
Ses influences artistiques sont venues, selon lui, de l'oeuvre de Salvador Dali, de l'École viennoise du "Réalisme Fantastique" et surtout de l'oeuvre des soi-disant "primitifs" hollandais et flamands du Moyen Âge et de la Renaissance. Une peinture ancienne, Birth of Animated Nature (1965), montre clairement les inspirations de Bruegel et plus particulièrement du Jardin des délices de Bosch. Autodidacte, sans aucune formation artistique académique, il imite le Maître surréaliste dans ses premiers dessins, puis lentement, il parvient bientôt à un style qui lui est propre. Peu à peu, il commence à s'inventer, à exprimer avec ses propres mots les beautés et les folies qui l'entourent ...
Au début des années 1960, Patrick a fabriqué un chariot à roulettes dans lequel il place une sélection de ses peintures et dessins, une série intitulée Conflict qui tente de comprendre la douloureuse nécessité de la mort et de la destruction. Il traîne la charrette autour des galeries londoniennes, recevant les refus de toutes les personnes qu'il rencontre, à l'exception d'un homme. Il s’agit de Roland Penrose, l’une des personnalités les plus influentes de l’art moderne du XXème siècle. On attribue généralement à Penrose l'introduction du surréalisme dans le monde de l'art britannique, grâce à ses amitiés avec Pablo Picasso, Man ray, Max Ernst, Lee Miller, Paul Eluard et Joan Miro. Penrose reconnait immédiatement le talent brut de Patrick et lui offre une exposition à l'ICA (Institute of Contemporary Art), la galerie prestigieuse et influente qu’il a créée en 1947 sur l’avenue The Mall à Londres. Patrick y tient sa première exposition solo en 1966, l'année même où Roland Penrose est fait Chevalier pour ses services rendus à l'art.
En 1972, après 8 ans, Woodroffe abandonne l'enseignement pour se consacrer à plein temps à ses travaux d'illustration. Evan Anthony, alors critique d’art pour The Spectator, lui propose une exposition à sa galerie Covent Garden de Londres. Il y propose ses peintures, gravures et autres œuvres apparentées et face au succès, l’exposition est prolongée deux fois. C’est entre 1973 et 1976, que sa carrière décolle réellement lorsqu’il est mandaté, à la suite de cette exposition, pour créer de très nombreuses couvertures de livres de science-fiction et de fantasy pour plusieurs grandes maisons d’édition. Pan Books, y compris pour des œuvres de Robert Heinlein et Arthur C. Clarke, Quartet Books pour presque toutes les publications de Michael Moorcock ou encore les éditions Corgi avec, par exemple, les couvertures de Nine Princes in Amber (1974) de Roger Zelazny et de The Seedbearers (1975) de Peter Valentine Timlett. C’est au début de cette période, qu’il est également chargé de fournir des illustrations pour des pochettes de disques, comme par exemple celle de l'album Sad Wings of Destiny du groupe de rock Judas Priest (1975). En 1976, une exposition de peintures de jaquettes de livres et de pochettes de disques est présentée à la Mel Calman's Workshop Gallery de Londres. La même année, le livre pour enfants Micky's New Home est publié avec des illustrations de Woodroffe.
S’il dessine et s’il peint, Woodroffe manie aussi la plume de façon redoutable. Il a ainsi écrit plusieurs ouvrages qu’il a mis en images, dont de nombreux livres pour enfants, toujours dans les domaines du fantastique, du merveilleux et de la science-fiction. Son premier livre illustré, The Adventures of Tinker the Hole Eating Duck, a été publié en 1976 chez Dragon's World. En 1978, il monte une exposition de plus de deux cents œuvres à l'historique Piece Hall, à Halifax. En 1979, Woodroffe crée des illustrations pour The Pentateuch of the Cosmogony (devenu plus tard The Pentateuch), la naissance et la mort d'un monde, un projet commun avec le musicien de rock symphonique Dave Greenslade. The Pentateuch prétend être les cinq premiers chapitres d'un livre extraterrestre de la Genèse. L'album est composé de deux disques de Greenslade et d'un livre relié de 47 pages d'illustrations de Woodroffe publié chez Dragon's World. Le disque s’est vendu à plus de 50.000 exemplaires entre 1979 et 1984 et les illustrations ont été montrées lors de la Convention mondiale de la science-fiction, à l'hôtel Metropole de Brighton. Dès lors, il travaille régulièrement sur les pochettes de CD de groupes musicaux, tout en pratiquant la sculpture et la peinture. En 1983, il crée une pochette d’album pour le groupe de rock Pallas, ainsi que les logos associés. La même année, Woodroffe crée des œuvres d'art (notamment des représentations d'un Snark - sujet traditionnellement tabou pour un artiste), pour l'adaptation musicale en 1984 du poème de Lewis Carroll par le compositeur Mike Batt, intitulée La chasse au snark. Dans les années 1980, Catching the Myth, une exposition de Patrick Wood, est présentée au Folkestone Metropole Arts Centre (1986), dans le cadre de laquelle 122 œuvres de Woodroffe ont été sélectionnées parmi la production de ses vingt premières années de travail. S’il travaille également sur ses propres projets cinématographiques, il intervient sur plusieurs films du Box-office, comme en 1989 sur The NeverEnding Story II, pour lequel il occupe le poste de conceptual creature designer.
Au cours des années 1990 et 2000, il continue de travailler sur de nombreux autres projets, dont une sculpture au château de Gruyères en Suisse, sur la base de son précédent tableau The Vicious Circle (1979). Le projet est conçu pour montrer la guerre comme un cercle fermé de futilité absurde, autodestructrice. Il continue à tenir des expositions, notamment en Suisse en 1992, où il attire 150.000 visiteurs à Gruyères. Aujourd’hui, une présentation permanente de reproductions lui est consacrée dans la "Tour du Prisonnier" du Château. Après le succès de l'exposition de 1992, il fait de nombreuses expositions en Suisse, en Allemagne et en France.
De par l’ampleur, la qualité et l’influence de son travail, Patrick Woodroffe est aujourd’hui considéré comme l’un des plus importants artistes anglo-saxons dans son domaine. Il a par ailleurs acquis un statut presque légendaire auprès de ses pairs. Quelle que soit la technique employée par l’artiste parmi sa vaste palette (aérographe, aquarelle, huile, gravure,...), chacune de ses créations frappe d'emblée par sa complexité, par le souci du détail, la minutie, la patience qui y ont prévalu. Pour l'observateur, l'oeuvre de Patrick Woodroffe impressionne peut-être avant tout par la maîtrise hors du commun qui en émane. Artiste extraordinaire il peint minutieusement des scènes et des objets impossibles avec une capacité créative équivalente à celle d’un artiste de la Renaissance.
Quatre de ses œuvres ont été sélectionnées pour une exposition au National Maritime Museum de Falmouth en 2002. Une exposition personnelle, Patrick Woodroffe - Master of Fantasy, a eu lieu trois ans plus tard à la galerie d'art de la ville. En 2009, Falmouth s’est porté acquéreur de Mountain Dragons of British Columbia (1977), une pièce aussi remarquable pour son contenu que pour son magnifique cadre en forme de retable et ses volets de style alpin, conçus par Woodroffe et commandée par le directeur de la galerie, Brian Stewart.
Parmi les livres publiés par Patrick Woodroffe signalons Mythopoeikon chez Dragon's World en 1976, Hallelujah anyway chez Paper Tiger/Dragon's World en 1984, Pastures in the sky chez Pomegranate Artbooks en 1993 et Benign Icons chez Fantasmus en 2008.
En 2007 Patrick Woodroffe apprend qu’il est atteint de la maladie de Pick, une maladie neurodégénérative rare dont les principaux symptômes sont la perte de la parole et la démence. Il décède à 73 ans, le 10 mai 2014 à Truro dans les Cornouailles, où il vivait depuis 1964 avec sa famille.

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