HAUSMAN René

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René Hausman est né le 21 février 1936 à Verviers et passe ses premières années entre la Westphalie et les terres ardennaises de ses mère et grand-mère, Gilberte et Philomène. Des racines à la fois latines et germaniques, transfrontalières, qui lui donneront très tôt le goût des légendes et faits divers des campagnes, des clairières secrètes et des forêts ombragées telles que contenues dans les dessins de Wilhem Busch ou les histoires que lui raconte sa grand-mère Philomène. C'est elle, essentiellement, qui s'occupera du petit garçon, déjà force de la nature, entre un père souvent absent, emporté par les aléas de l'Histoire tragique des années 40 et une maman trop tôt disparue.
Jeunesse précaire mais heureuse, baignée de contes et légendes, comme René l'évoquera bien des années plus tard, en 2007, dans une de ses bandes dessinées les plus récentes et les plus personnelles, Le Camp-volant (Dupuis). Le petit garçon solitaire, déjà hors norme et rêveur, achève d'y croiser son destin clans les emballages de barres de chocolat qu'il aime tant dévorer, ceux-ci sont remplis de « chromos» d'animaux, qu'il se met à recopier. Un terrain d'expression et d'évasion qu'il ne quittera plus jamais.
Pendant ses études secondaires à Verviers, il parvient à s'offrir de rares cours de dessin qui le mettent d'abord en contact avec Maréchal, le papa de Prudence Petitpas, puis avec Macherot, qui a tout juste inventé Chlorophylle. C'est ce dernier qui introduit le jeune René dans le journal Tintin, pour ses premiers dessins et commandes, après quelques travaux publicitaires réalisés dès 1955. Mais c'est en 1958 qu'il entre chez Spirou et les Editions Dupuis, avec une première série destinée au jeune public, Saki et Zunie, deux enfants évoluant dans une préhistoire imaginaire, où les animaux, déjà, tiennent une grande place. Cette série mythique, au succès pourtant modeste, René y reviendra régulièrement au fil des décennies, de manière de plus en plus libérée et de moins en moins enfantine, Zunie, au fil des retrouvailles, se fera à chaque fois plus gironde et sensuellement potelée, comme la plupart des personnages animés par René.
René Hausman fait montre dans Saki et Zunie d'un sens du détail remarquable et d'une aisance rare pour figer en une image le règne animal. Le rédacteur en chef de l'époque, Yvan Delporte, décide alors de lui confier en parallèle à ses planches les illustrations de son «Bestiaire», la rubrique animalière du journal, alors très présente. Une approche pédagogique qui lui fera visiter et dessiner à peu près tous les animaux du monde, dix ans durant, et imposera son talent d'illustrateur d'une incroyable richesse. Elle l'obligera toutefois à délaisser les planches et, comme René le souligne lui-même, à se disperser, loin de tout plan de carrière. Jusqu'au milieu des années 70, René assurera d'innombrables illustrations en tout genre, qui feront les belles heures des Collections «Carrousel» et «Terre entière» de Dupuis. A la fin des années 70, pourtant, le journal de Spirou décide de se recentrer sur la bande dessinée. René s'y fera plus rare, exerçant alors son talent d'illustrateur pour d'autres éditeurs et clients. Une période moins faste, qui permettra pourtant à René de s'affranchir définitivement de la bande dessinée purement enfantine et du dessin pédagogique.
Son goût de la vie et des coquineries s'exprime d'abord clans l'iconoclaste supplément Le Trombone illustré, dès 1977. Il y fait revivre une Zunie plus gironde que jamais et se verra même confier par Franquin le soin d'une couverture! Suivront A suivre, mais aussi les pages encore moins politiquement correctes du mensuel Fluide Glacial, où ses amis Gotlib, Lucques, Yann, Binet ou encore Delporte lui feront dessiner des bêtes parfois à deux dos dans la rubrique Allez coucher, sales bêtes! Mais c'est aussi l'époque où le roi du Bestiaire, désormais affranchi, va renouer avec ses autres amours de jeunesse que sont les contes et légendes, via une rencontre déterminante, celle de Pierre Dubois. Cet éminent elficologue entamera avec lui Le Fabulaire du Petit Peuple, qui reste aujourd'hui encore la référence absolue en termes d'univers féeriques et d'odes aux gnomes de tout poil. Leur collaboration, fructueuse, donnera naissance en 1985 à la superbe et érotique Laïyna, fille des gnomes et des elfes qui connaitra deux albums remarquables dans la jeune Collection «Aire Libre» de Dupuis, La Forteresse de pierre en 1985 et Le Crépuscule des Elfes en 1988.
Désormais libéré de toute contrainte, René Hausman navigue depuis entre l’illustration et la bande dessinée, le règne animal et les mondes féériques, les travaux de commande et les récits plus personnels. Chez «Aire Libre» toujours, René créera ainsi deux des albums dont il est le plus fier, magnifiques contes immoraux et cruels dont le scénariste Yann a le secret, Les Trois cheveux blancs et Le Pince des écureuils, respectivement en 1993 et 1998.
Si Bestiaire et tubulaire ont marqué sa carrière et ses lecteurs, ce sont pourtant d'abord les qualités d'artisan du dessin qui ont fait de René Hausman une référence pour beaucoup. Son goût insensé du détail s'est toujours exprimé via différentes techniques. Peaux, poils, matière... René a testé toutes les manières, parfois expérimentales, pour les emprisonner. La plume bien sûr, mais aussi la gouache, l'écoline, l'encre grattée à la lame de rasoir, les chiffons imbibés d'eau de javel pour travailler ses encres de couleur et même l'usage des allumettes pour brûler certaines zones de ses dessins !
Plus récemment, René Hausman est passé à l'aquarelle, sans encrage préliminaire, comme dans l'album réalisé avec Michel Rodrigue, Le Chat qui courait sur les toits, paru en 2010 dans la prestigieuse Collection «Signé», aux éditions du Lombard.
Ses recherches graphiques ont longtemps souffert de piètres impressions. Une des raisons pour lesquelles son épouse Nathalie Troquette a fondé en 2008 sa propre petite maison d'édition Luzabelle (du nom de Bernique et Luzabelle, personnages inventés à la lin des années 60), qui s'attache à réaliser des rééditions de grande qualité, à la démesure de cet auteur inclassable.
René hausman est décédé le 28 avril 2016 en son domicile verviétois.

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